Deux artistes de grande personnalité
La fortune ou le destin. Il y a quelques mois Unzu trouva par hasard
cette cassette paumée qu’il ne comptait plus retrouver et décida de faire
réécouter les chansons à Murugarren. Ils ont vérifié que les chansons ne
sonnaient pas vieux et que le temps leur avaient même fait du bien, elles
sonnaient actuelles et ils ont décidé de reprendre le projet. À cette occasion rien
n’empêchait la collaboration. Txuma écrivit à nouveau les lettres -il ne
gardait aucune copie des antérieures- et Unzu se chargea de travailler les
arrangements des chansons. Pour l’enregistrement ils ont compté sur l’aide de
deux membres du trio de jazz-rock instrumental Buffalo (le bassiste Joanes
Ederra et le batteur David Gorospe) et celle du pianiste Rafa Aceves, habituel
des disques de Murugarren.
Ce disque leur a donné l’opportunité de vivre des nouvelles
expériences, autant à Murugarren qu’à Unzu. C’est la première fois que
Murugarren chante des thèmes composés par quelqu’un d’autre, et en même temps,
cela représente la première d’Unzu en tant que compositeur de thèmes pop-rock.
Il affirme l’avoir fait sous une perspective “quelque peu naïve fruit du
jeu et du besoin de faire de la musique avec une certaine dose de sans-gêne et
d’insouciance”. Le résultat est sous certains aspects différent de l’œuvre
antérieure de Murugarren, mais sans que cela devienne une rupture radicale par
rapport à son antérieure trajectoire. Ainsi, la chanson qui ouvre le disque, Bidaia
etengabea, se façonne en pont musical qui relie avec l’antérieur travail de
Txuma, B aldeko kantuak (2010),
auquel pourrait parfaitement appartenir Ongi etorri, sur laquelle
Murugarren parle à nouveau des “chansons obscures, lettres contrefaites, que
personne ne veut écouter”.
Sur plusieurs des lettres on apprécie l’ombre de l’actuelle situation
de crise que l’on vit (Bihotza unaturik, Lagun dohakabeak), mais surtout
il y a une place pour l’espoir (Fortunatu bakoak, Gaueko zubiak) et la
possibilité de fuir et commencer une nouvelle vie (le disque se clôt
significativement avec Egun berrian), un thème actuel dans le recueil de
Txuma Murugarren. D’autre part, Joanak joan est une chansons générationnelle
dans laquelle Murugarren se dirige à ceux de ces amis de jeunesse qui ne sont
plus là aujourd’hui -“te souviendras-tu du son de ma voix? Comprendras-tu le
geste que je te fais?”- en même temps qu’il évoque, musicalement, le
souvenir du pop-rock guitariste et urgent de Sasoi Ilunak.
Mais les chansons appartiennent à Unzu, et on apprécie sa main sans
grand effort, non seulement par l’excellente technique à la guitare, mais aussi
dans l’ample éventail comprenant les arrangements et la production de chaque
chanson, qui va depuis le riff du blues texan d’Ongi etorri jusqu’à
l’ambiance jazzy de Zaldi izutuak, en passant par les synthétiseurs des
années 80 de Lagun dohakabeak, la sophistication de Gaueko zubiak, la
tendresse acoustique de Belar moztu berria ou les airs brésiliens de Larruazal
lehorra.
14 abesti eta hamahiru istorio txiki est
un véritable travail de collaboration entre deux artistes de grande
personnalité, qui sont parvenus à fondre leurs différentes identités et vertus
artistiques dans un disque cohérent et spécial pour tous les deux.